Le lithium peut traiter un comportement lié au gène de l’autisme (P. Hess, Spectrum News, 24/04/2020)

Article original : Lithium may treat behavior linked to autism gene, by Peter Hess  /  24 April 2020

Traduction :

Le lithium, un médicament stabilisant l’humeur, atténue les comportements répétitifs observés chez les souris manquant de SHANK3, un gène de l’autisme, selon une nouvelle étude [1].

Les résultats suggèrent que le lithium mérite une étude plus approfondie comme traitement pour certaines personnes autistes, même si le médicament a des effets secondaires gênants, notamment des tremblements et des troubles de la mémoire.

«Le lithium est, bien sûr, un traitement assez difficile et non idéal», explique l’investigatrice principale Gina Turrigiano, professeur de science de la vision à l’Université Brandeis à Waltham, Massachusetts. «Il est vraiment difficile de faire suivre aux patients un régime au lithium qu’ils peuvent bien tolérer.» Mais comprendre pourquoi le lithium fonctionne peut ouvrir la voie à de meilleurs traitements, dit-elle.

Environ 1% des personnes autistes ont des mutations dans SHANK3. La suppression ou la mutation du gène peut également conduire au syndrome de Phelan-McDermid, qui se caractérise par une déficience intellectuelle, un retard de la parole et, souvent, de l’autisme.

Des études de cas de personnes atteintes du syndrome de Phelan-McDermid suggèrent également que le lithium atténue les problèmes de comportement associés à la maladie [2].

Des travaux antérieurs ont montré que SHANK3 aide à stabiliser les circuits neuronaux en ajustant la signalisation excitatrice et inhibitrice comme un thermostat. Ce processus, appelé plasticité homéostatique, permet aux neurones de répondre aux changements de l’entrée sensorielle.

La nouvelle étude suggère que le gène contrôle ce thermostat en régulant la fréquence de déclenchement des neurones et la façon dont ils ajustent les courants électriques qui les traversent. La perte ou la mutation de SHANK3 empêche les neurones de s’adapter aux changements de l’entrée sensorielle.

“Ce que nous avons montré, c’est qu’il y a ce mécanisme cellulaire, et la perte de ce mécanisme est le résultat direct d’une perte de SHANK3”, explique Turrigiano.

Puissance de feu :

L’équipe a d’abord enregistré une activité électrique dans des neurones de rat dans lesquels l’expression de SHANK3 a été partiellement perturbée. Ils ont artificiellement bloqué la capacité des neurones à tirer. L’équipe a découvert que la vitesse de tir des neurones mutants n’est pas revenue à sa plage d’origine comme dans les cellules de contrôle.

Les neurones ont également répondu avec moins d’activité électrique que les témoins lorsque les chercheurs ont bloqué puis redémarré les courants électriques. Cela suggère que les neurones mutants ont perdu leur capacité à ajuster le courant qui les traverse.

Les neurones excitateurs du cortex appelés cellules pyramidales sont les plus fortement affectés. Le lithium a restauré la capacité des cellules d’ajuster à la fois leur cadence de tir et la quantité de courant qu’elles transportent.

Pour examiner comment les neurones des souris dépourvues de SHANK3 répondent aux changements de l’entrée sensorielle, l’équipe a implanté des réseaux d’électrodes dans le cortex visuel des souris mutantes et contrôle et a collé un œil pour chaque souris.

Au cours des trois ou quatre jours suivants, les neurones des deux groupes de souris ont diminué leur fréquence de tir. Mais la diminution des souris mutantes a été plus progressive, suggérant qu’elles prennent plus de temps à s’adapter.

Les neurones des souris témoins ont retrouvé leur taux de tir typique deux jours après que le taux ait ralenti à son niveau le plus bas, probablement parce que le cerveau des souris s’était adapté à la perte de vision d’un œil. Mais chez les souris mutantes, les neurones ne sont jamais revenus à leur taux de tir d’origine, ce qui indique que sans le gène, leur cerveau ne pourrait pas s’adapter.

Les souris mutantes se toilettent également de manière excessive, un comportement qui est censé s’aligner sur les comportements obsessionnels ou répétitifs des personnes. À la surprise des chercheurs, le lithium a complètement arrêté ce comportement. Le travail est apparu en mars dans Neuron.

Traitement potentiel :

Les résultats soutiennent l’idée que le lithium peut aider à traiter les personnes atteintes de mutations SHANK3, et peut-être aussi celles atteintes d’autres formes d’autisme, explique Jean Martin Beaulieu, professeur agrégé de psychiatrie et de neurosciences à l’Université de Toronto au Canada, qui n’était pas impliqué dans l’étude.

Cependant, dit-il, l’étude ne prouve pas que les problèmes de plasticité homéostatique provoquent des comportements répétitifs. Le sur-toilettage est un comportement complexe impliquant plusieurs zones cérébrales, dit-il, alors que l’étude n’a examiné que le cortex visuel.

Il est également difficile de savoir si le lithium agit directement sur SHANK3 ou sur une autre cible du circuit, explique Thomas Bourgeron, professeur de génétique à l’Institut Pasteur à Paris, en France, qui n’était pas impliqué dans l’étude.

Turrigiano dit que la perte de SHANK3 n’est peut-être que la première étape d’un processus qui conduit à l’incapacité des neurones à s’adapter à l’entrée sensorielle. Identifier la partie de ce processus que le lithium corrige peut pointer vers de nouvelles cibles de traitement, dit-elle.

L’équipe de Turrigiano étudie comment SHANK3 aide à équilibrer l’activité excitatrice et inhibitrice des neurones, pour mieux comprendre son rôle dans le maintien de la plasticité homéostatique.

Références :
  1. Tatavarty V. et al. Neuron Epub ahead of print (2020) PubMed
  2. Serret S. et al. BMC Psychiatry 15, 107 (2015) PubMed
Publié dans Autisme, Formation

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